Partage de la succession pour les couples mariées | L’impact du régime matrimonial

Les régimes matrimoniaux en Suisse sont régis par le Code civil. Ils déterminent la manière dont les biens des époux sont gérés pendant le mariage, ainsi que leur répartition en cas de divorce ou de décès de l’un des conjoints.
La Loi prévoit 3 régimes ayant chacun ses propres caractéristiques et implications juridiques :

  • la participation aux acquêts
  • la communauté des biens
  • la séparation de biens

Régimes matrimoniaux et décès
Lorsque l’un des époux décède, avant de liquider la succession, il est nécessaire de liquider le régime matrimonial : il faut identifier les biens appartenant au défunt et ceux qui appartiennent au conjoint survivant.
Le calcul dépend du régime choisi et permet d’identifier :

  • la partie des biens qui seront attribués au conjoint survivant
  • la partie des biens qui tombera dans la masse successorale et que le conjoint survivant devra partager avec les autres héritiers.

Régime de participation aux acquêts
Il s’agit du régime matrimonial ordinaire. Ce régime ne nécessite pas de contrat de mariage devant notaire contrairement à la communauté des biens et à la séparation des biens.
Sous le régime de la participation aux acquêts, chaque époux conserve la propriété de ses biens personnels, qu’ils soient acquis avant ou pendant le mariage.
Les biens personnels comprennent les biens propres (biens acquis par un époux avant le mariage ou reçus par donation ou succession pendant le mariage) et ceux qui sont exclusivement affectés à l’usage personnel d’un époux.
En cas de décès d’un époux, en plus de ses biens propres, le conjoint survivant a droit à 50 % des acquêts au titre de liquidation du régime matrimonial : il n’a pas à partager cette partie des biens avec les autres héritiers du défunt.
L’autre 50% des acquêts ainsi que les biens propres du défunt entrent en succession et font l’objet de partage entre héritiers (liquidation de la succession).
Le pourcentage d’attribution des acquêts peut être augmenté en cas de :

  • Signature de contrat de mariage qui convient que le partenaire survivant reçoive la totalité des acquêts (solution possible qu’en présence d’enfants communs)
  • Rédaction d’un testament à faveur du conjoint qui réduit la part successorale d’éventuels enfants à la réserve légale, en attribuant la quotité disponible au conjoint survivant.

Exemple :
Marc et Sophie sont mariés, avec 2 enfants, sous le régime de la participation aux acquêts. Avant leur mariage, Marc possédait des biens d’une valeur totale de 300 000 CHF, tandis que Sophie en possédait pour 200 000 CHF.
Pendant leur mariage de 10 ans, Marc a accumulé des biens d’une valeur de 600 000 CHF (dont 100 000 CHF à titre d’héritage), tandis que Sophie a accumulé des biens d’une valeur de 400 000 CHF.
Marc décède.

Liquidation du régime matrimonial, sans contrat de mariage
Au moment du décès, Marc possède donc des biens d’une valeur totale de 900 000 CHF et Sophie, 600 000 CHF.
Au titre de la liquidation du régime matrimonial Sophie reçoit :

  • Ses biens propres : 200’000 CHF
  • 50 % de ses acquêts : 200’000 CHF
  • 50 % des acquêts de Marc (hors héritage) : 250’000 CHF

Total : 650’000 CHF

Liquidation de la succession
Entrent dans la masse successorale :

  • Biens propres de Marc – avant mariage : 300’000 CHF
  • Bien propres de Marc – héritage : 100’000 CHF
  • 50 % des acquêts de Marc : 250’000 CHF
  • 50 % des acquêts de Sophie : 200’000 CHF

Total : 850’000 CHF

Sophie touchera, en plus du montant venant de la liquidation du régime matrimonial :
a) Sans testament ni contrat de mariage : 425’000 CHF (50 % de 850’000 CHF).
b) Avec testament et attribution de la quotité disponible : 637’500 CHF (75 % de 850’000 CHF)

En cas de contrat de mariage et testament, il est nécessaire de procéder d’abord au recalcul de la liquidation du régime matrimonial pour Sophie :

  • Biens propres : 200’000 CHF
  • Attribution 100 % des acquêts : 900’000 CHF

Total : 1’100’000 CHF

La masse successorale sera, donc, uniquement composée par les biens propres de Marc (300 000 CHF + 100 000 CHF = 400’000 CHF) : avec testament Sophie pourra hériter jusqu’à 75 % de ce montant : 300’000 CHF.

La Communauté des Biens
Ce régime doit faire l’objet d’un contrat de mariage.
Sous le régime de la communauté des biens universelle tous les biens des époux, qu’ils soient personnels ou acquis pendant le mariage, sont considérés comme appartenant à la communauté conjugale. Seules exceptions : les effets personnels de chacun des époux et les créances en réparation d’un tort moral.
Par contrat de mariage, on peut définir la communauté de manière moins stricte :

  • Communauté des acquêts : limite aux biens acquis par les époux à titre onéreux pendant le régime
  • Communauté réduite : elle se compose de tous les biens ou famille de biens que les époux n’ont pas exclu

En cas de décès d’un époux, la moitié des biens communs est attribuée au conjoint survivant et l’autre moitié entre dans la succession, selon les dispositions légales en vigueur.

Exemple :

Pierre et Marie sont mariés sous le régime de la communauté des biens. Avant leur mariage, Pierre possédait des biens d’une valeur totale de 410 000 francs suisses (dont 10’000 CHF d’effets personnels), tandis que Marie en possédait pour 300 000 francs suisses.
Pendant leur mariage de 15 ans, Pierre et Marie ont accumulé des biens communs d’une valeur totale de 1 200 000 francs suisses.
En cas de décès, les biens de la communauté sont attribués à la hauteur de 50 % au conjoint survivant :

    • Liquidation du régime matrimonial – biens communs attribués au conjoint survivant : (1 200 000 + 400 000 + 300 000) / 2 = 950 000 CHF
    • Liquidation de la succession – la partie des biens communs du défunt et ses biens propres sont partagés entre les héritiers : 950 000 + 10 000 = 960 000 CHF

La Séparation de Biens
Ce régime doit faire l’objet d’un contrat de mariage.
Sous ce régime, chaque époux conserve la propriété exclusive de ses biens, qu’ils soient acquis avant ou pendant le mariage.
En cas de décès d’un époux, les biens du défunt sont transmis à ses héritiers légaux conformément aux dispositions de la loi sur le droit successoral.

Exemple :
Thomas et Élise sont un couple marié sous le régime de la séparation des biens. Avant leur mariage, Thomas possédait des biens d’une valeur totale de 500 000 francs suisses, tandis qu’Élise en possédait pour 400 000 francs suisses.
Pendant leur mariage, Thomas a accumulé des biens d’une valeur de 700 000 francs suisses, tandis qu’Élise a accumulé des biens d’une valeur de 600 000 francs suisses.
Thomas décède.
Au titre de la liquidation du régime matrimonial Elise reçoit ses biens : 400 000 + 600 000 = 1 000 000 CHF
Les biens de Thomas (1 200 000 CHF) sont partagés entre les héritiers selon les règles de la succession.

 

Conclusion
Les régimes matrimoniaux définissent la manière dont les biens des époux sont gérés pendant le mariage et répartis en cas de divorce ou de décès.
Il est essentiel que les couples comprennent les implications de chaque régime afin de choisir celui qui correspond le mieux à leur situation et à leurs besoins.
Grace à un contrat de mariage, qui peut être conclu aussi après le mariage, les couples peuvent influencer directement la composition de la masse successorale afin de mieux protéger le conjoint survivant et planifier efficacement leur succession.