Projet de reforme droit successoral

Le droit des successions suisse n’a subi que peu de modifications depuis son entrée en vigueur en 1912.

Il a été conçu à une époque où les modèles familiaux étaient profondément différents par rapport à aujourd’hui : le mariage (entre hommes et femmes) était la règle dans les relations de couple, les divorces rares (les familles recomposées encore plus), le ménage en commun marginal.

De plus, l’espérance de vie qui a presque doublé depuis le début du siècle (en passant de 46 ans en 1900 à 83 en moyenne aujourd’hui) a fait perdre à la transmission de l’héritage sa fonction « naturelle » de fournir les ressources financières nécessaires aux jeunes générations pour construire leur projet de vie.

Conscient du décalage entre cadre légal et réalité sociale, en décembre 2012, le Conseil National a intégré le droit successoral dans ses réflexions de réforme du Code Civil (postulat Fehr 12.3607 « Code civil. Pour un droit de la famille moderne et cohérent »).

En août 2018, le Conseil Fédéral a adopté un message sur la révision du droit successoral : la mesure centrale de la proposition porte sur le souhait d’augmenter la liberté de disposer du testateur en réduisant les réserves héréditaires légales.

On le rappelle, la Loi n’accorde pas une liberté totale au testateur dans le choix des héritiers. Le sort de la succession est largement soustrait à sa volonté.

Une partie du patrimoine est, en effet, légalement destiné à certaines personnes : les réservataires (enfant-s, conjoint, parents, en pourcentages différentes selon la configuration familiale).

Leur droit est garanti (sauf cas exceptionnels) même dans le cas où le testament prévoit des dispositions différentes.

Le testateur peut, donc, librement disposer uniquement d’une partie de son patrimoine au moment de la succession : la quotité disponible.

Avec sa proposition, le Conseil Fédéral poursuit un double objectif en permettant au testateur de :

  • favoriser davantage d’autres personnes, comme le partenaire de vie (concubin-e), ou les enfants de celui-ci
  • transmettre une plus grande partie de son patrimoine à l’héritier de son choix en facilitant, ainsi, la transmission des entreprises familiales (un message spécifique du CF est attendu pour 2021)

Pour atteindre ces objectifs, le CF préconise :

  • une réduction de la réserve héréditaire pour les enfants (de ¾ à ½)
  • la suppression de la réserve héréditaire pour les parents

Aucune modification n’est prévue pour l’héritage des conjoints et partenaires enregistrés (50% de la succession).

La proposition de réforme ne modifierait, donc, pas le statut des partenaires de fait : aucune réserve héréditaire ne leur sera reconnue par la Loi. Le testateur, en revanche, pourra disposer plus librement de son patrimoine et, par conséquence, augmenter leur partie dans la succession.

Toujours en matière de protection du partenaire de vie, le Conseil Fédéral propose également d’instituer un « legs d’entretien » : un montant à prélever, sous forme de rente, sur la succession pour soutenir le partenaire de vie qui, autrement, serait contraint de recourir à l’aide sociale (mais le Conseil des Etats s’est opposé à cette mesure en l’automne 2019).

 

Prochaines étapes :

Le CF a publié en août 2018 le 1er message concernant les principes de la réforme.

Il a été discuté au Conseil des Etats en octobre 2019.

On attend le 2ème message en 2021 qui traitera dans le détail de succession d’entreprise.

La réforme n’entrera probablement pas en vigueur avant 2022.

 

Leave a Reply